Année
2011
Abstract
L’évaluation de l’action par un chiffre s’étend à tous les domaines de la vie sociale. Elle donne lieu à un double mouvement d’idéalisation (le chiffre garant de rigueur) et de diabolisation(le chiffre négation des valeurs d’humanité). Ce papier propose d’analyser cette situation en recourant aux concepts de la sémiotique pragmatiste. Le chiffrage de la performance produit des nombres qui, par rapport aux actions évaluées, sont à la fois des icônes (leur représentation mimétique, pour pouvoir les prévoir et les contrôler), des indices (leurs traces matérielles, pour déclencher et nourrir des enquêtes) et des symboles (la démonstration de leur conformité à des conventions sociales). La fuite généralisée devant la complexité promeut la fonction symbolique au détriment des fonctions iconiques et indicielles, vide le chiffre de son sens pratique et conduit à des affrontements dogmatiques. Il est urgent de développer le processus social du chiffrage, et au-delà de l’évaluation, comme construction collective et contradictoire de jugements, pour échapper au mirage de la lecture automatique des valeurs dans les nombres.
LORINO, P. (2011). Du chiffre, adoré ou exécré, au chiffrage, pratiqué. Dans: Comptabilité, contrôle et société. 1st ed. Foucher, pp. 55-65.