Année
2007
Abstract
Nous analysons ici le rôle des instruments de gestion dans le développement de l’activité collective et dans les dynamiques organisationnelles, en recourant à la théorie pragmatique et sémiotique. Les théories dualistes fondées sur le concept de représentation (rationalisme, cognitivisme) voient les instruments comme la reproduction des situations dans un langage symbolique, destinée à permettre aux acteurs de traduire leur activité concrète complexe dans des modèles computables (relevant d’un traitement logique). Les théories fondées sur le concept d’interprétation (pragmatisme, théorie de l’activité, cognition et action situées) caractérisent les instruments comme des signes interprétés par les acteurs pour faire sens de leur activité collective, d’une manière permanente et située. Les instruments combinent des artefacts objectifs et des schèmes interprétatifs d’utilisation, par lesquels le sujet interprète les artefacts et les traduit en action. Ils contraignent les interprétations et les formes d’utilisation mais ne les déterminent pas complètement: ils définissent des genres (classes génériques) d’activités collaborative, tout en laissant un espace pour des schèmes interprétatifs individuels ou locaux et une création stylistique dans la manière de les utiliser. Une part essentielle des dynamiques organisationnelles intervient dans le jeu permanent entre genre instrumental et styles. Si les théories représentationnelles peuvent offrir une approximation acceptable dans des contextes organisationnels stables et assez simples, les théories interprétatives permettent de mieux expliquer les situations incertaines et complexes. Elles intègrent le rôle des émotions et de la créativité comme élément intrinsèque essentiel du processus interprétatif, plutôt que comme biais exogène d’un processus de modélisation rationnel. Pour la recherche future, nous souhaitons étudier comment les théories interprétatives devraient transformer les pratiques managériales et améliorer, non seulement l’intelligibilité, mais aussi l’actionnabilité des instruments et des situations instrumentées.
LORINO, P. (2007). Stylistic Creativity in the Utilization of Management Tools. ESSEC Business School.