Année
2007
Abstract
Il y a un lien théorique profond entre les philosophies pragmatistes (Peirce, Dewey, Mead) et la sémiotique (étude des signes et des significations), notamment par le rôle-clé du concept de médiation – médiation de l’action, médiation de la pensée. Pour Peirce, la pensée est une pensée par signes. On ne peut penser les situations qu’en associant aux objets, non une désignation symbolique unique, un étiquetage, mais des couples de signes. C’est de la rencontre entre l’objet et les deux signes qui lui sont associés (le representamen et l’interprétant) que naît la signification. La position de Peirce est un sémiotisme radical : la pensée n’est que maniement de signes , elle ne présente pas d’antériorité logique par rapport au maniement de signes. Il serait donc erroné de dire que « la pensée produit des signes et leur maniement ». La pensée, cascade de signe en signe à propos d’un objet donné, aboutit à ce signe particulier que constitue l’action, ou plus exactement le changement dans les modes d’action habituels. Pour saisir l’originalité et la fécondité du concept de médiation, il est nécessaire d’écarter quelques fausses pistes dans sa compréhension : la piste psychologiste ? la médiation n’est pas un concept psychologique mais un concept épistémologique , la piste logiciste ? la médiation n’est pas un opérateur logique mais une action , la piste structuraliste ? la médiation n’est pas l’élément d’une structure abstraite mais un acte situé , la piste dialectique ? la médiation n’est pas l’élément d’une succession historique de phases mais une caractérisation de toute forme de production de signification. Ce concept est susceptible de fournir aux chercheurs qui se penchent sur les organisations un outil efficace pour dépasser les dualismes, par exemple : -dépasser le dualisme pensée / action à travers le concept d’enquête , -dépasser le dualisme individuel / collectif à travers le concept de dialogisme , -dépasser le dualisme positivisme / constructivime à travers un interprétativisme sémiotique.
LORINO, P. (2007). L’intuition peircienne de la médiation aux sources du pragmatisme, ou : il faut ruser avec le monde… Libellio, pp. 34-41.