Année
2009
Abstract
Où va le contrôle de gestion après la crise financière ? Il semble que, malgré le souhait majoritaire des professionnels de produire « moins de chiffres et plus d’analyse », les missions de production et de contrôle du chiffre restent dominantes. Comment l’expliquer ? Le contrôle de gestion doit répondre à deux catégories de besoins différenciées : d’une part, contrôleur du chiffre, organisateur de la procédure budgétaire et du reporting, recourant au langage comptable et financier, avec une indépendance sans faille à l’égard des managers contrôlés , d’autre part, consultant interne, orchestrateur de l’analyse et du diagnostic de la performance dans toutes ses dimensions, notamment opérationnelles, animateur des plans de progrès, coopérant étroitement avec les managers opérationnels. Le poids respectif et les relations de ces deux profils fonctionnels dépendent de quatre facteurs : l’horizon de temps de la décision, la transversalité inter-métiers de la performance, le type de gestion du risque et le mode de gouvernance. Si le « contrôle du chiffre » a tendu à se renforcer depuis une quinzaine d’années, c’est que la prégnance financière et court termiste observée sur ces quatre facteurs pesait en ce sens. C’est aussi le choix de la facilité, car un chiffrage technique normé est plus facile que la construction collective d’un jugement risqué sur des situations complexes. L’évolution d’après crise est incertaine : remise en cause du « pilotage par le chiffre » ou fuite en avant dans la sophistication du chiffrage ? Elle dépend aussi des orientations adoptées par la recherche et l’enseignement en contrôle : viseront-ils d’abord à raffiner l’expertise du chiffre ou à développer les savoirs complexes de l’enquête collective et située ?
LORINO, P. (2009). Le contrôle de gestion après la crise : expertise obstinée du chiffre ou métier d’enquête complexe ? Revue Française de Gestion, 193(3), pp. 29-35.