Année
2013
Abstract
Des courants de recherche récents en organisation ont développé une vision « actionnelle » de l’organisation selon laquelle les activités des acteurs font émerger l’organisation comme construit dynamique. Ils mettent l’accent sur le processus par lequel les discours font émerger le sens de l’action et produisent des effets pratiques « organisants ». Cet article adopte une vision symétrique centrée sur l’activité elle-même comme discours en actes, plutôt que sur les pratiques et objets langagiers engagés dans l’activité. Faisant écho à la théorie des « actes de discours » (Austin et Searle) qui explore la « performativité des discours », c’est-à-dire leur pouvoir pratique de transformer les situations, cet article esquisse une théorie des « discours d’actes », explorant la « discursivité de l’action », c’est-à-dire son pouvoir de signifier. Les actes ne sont pas seulement des opérations qui transforment la situation, mais aussi des signes renvoyant à des significations construites socialement. Recourant aux théories pragmatistes de l’habitude et de l’enquête (Peirce et Dewey), l’activité collective est analysée comme processus discursif, qui combine des segments de signification stabilisés et socialement partagés (« habitudes ») et des enquêtes situées destinées à adapter ou recréer les habitudes. Une étude de cas (mise en œuvre d’un système d’information de gestion intégré dans un groupe) montre que des changements organisationnels majeurs peuvent révéler des habitudes et leur cohérence discursive en les perturbant. Les acteurs sont alors confrontés à la tâche, difficile car non anticipée, de reconstruire les cadres discursifs de leur activité collective.
LORINO, P. (2013). L’activité collective, processus organisant : Un processus discursif fondé sur le langage pragmatiste des habitudes. Activité, 10(1), pp. 221-242.