Année
2007
Abstract
Cette recherche explore la question de la  » gestion stratégique des compétences  » (gestion long terme des compétences qui sont critiques pour l’accomplissement des objectifs stratégiques). Elle tente de montrer que la gestion des compétences est elle-même une compétence organisationnelle dynamique. L’analyse est conduite dans le cadre d’une grande entreprise de télécommunications, France Télécom, dans les années 2001-2003. Le secteur des télécommunications se caractérise par des changements rapides dans la technologie, les marchés et les structures industrielles, et donc par un niveau élevé d’incertitude. C’est aussi une activité de haute technologie, fondée sur des aptitudes pointues et en constante évolution, exigeant des délais importants de formation et de professionnalisation. Il y a donc une contradiction apparente entre l’incertitude, qui rend la planification difficile, et la nécessité de planifier le développement de nouvelles compétences, qui implique des temps de réponse longs. Cette contradiction ne peut être résolue si les compétences sont définies de manière statique, comme des attributs structurels de salariés ou de groupes de salariés en place ou potentiels. La question de la gestion stratégique des compétences doit plutôt être examinée dans un cadre dynamique, fondé sur les processus, mettant en jeu une activité collective et réflexive continue des acteurs du processus eux-mêmes pour (re)définir et gérer leurs compétences. La gestion stratégique des compétences fondée sur les processus a été testée pour deux domaines des télécommunications: le haut débit ADSL et les services Internet aux PME. Le processus réflexif et collectif de gestion des compétences a dû être instrumenté avec des instruments qui ne visent pas une représentation exacte des compétences comme objets, mais qui essayent plutôt d’offrir un support de sens et d’interprétation aux acteurs dans leur (ré)interprétation continue des situations de travail présentes et surtout futures en termes de compétences critiques. En conclusion l’exemple des instruments de gestion des compétences est étendu à la question plus générale des instruments de gestion, dans les environnements incertains et dynamiques. Les théories informationnelles des instruments conceptualisent les instruments comme représentations spéculaires des situations, donnant accès à des procédures de résolution de problèmes optimisantes ou  » satisficing « . Mais lorsque les environnements évoluent en permanence et résistent à la prévision, il faut avoir plutôt recours à une conception interprétative des instruments de gestion comme signes porteurs de significations, qui aident les acteurs à faire sens des situations dans lesquelles ils se trouvent engagés. La pertinence des instruments ne relève alors pas d’une vérité ontologique mais plutôt de l’efficacité pratique qu’offre leur utilisation située. Une théorie de l’activité et des instruments sémiotique et pragmatique peut alors être proposée.
LORINO, P. (2007). Competence-based Competence Management: a Pragmatic and Interpretive Approach. The Case of a Telecommunications Company. ESSEC Business School.