Année
2007
Auteurs
LORINO Philippe, GEHRKE I.
Abstract
Les théories sur les instruments de gestion donnent souvent lieu à débat entre structure et agence : les instruments déterminent-ils les formes de l’activité collective (AC),ou les acteurs impriment-ils aux instruments les formes dont ils ont besoin, ou les instruments et l’activité concrète sont-ils découplés, comme certains courants néo-institutionnalistes le supposent? Théories des réseaux d’acteurs, de la structuration, de l’activité, pragmatisme, sémiotique tentent de surmonter l’opposition dualiste entre structure and activité. Les systèmes de gestion et de pilotage de la performance peuvent être définis comme des instruments structurels engagés dans l’AC, qui la contraignent sans la déterminer. Réciproquement, ils sont modifiés par la manière dont l’AC les utilise et leur donne sens. La thèse centrale de ce papier est l’impossibilité de considérer l’évaluation de la performance comme un langage commun de l’organisation et d’en étudier le rôle indépendamment de la conception de l’AC dans laquelle cette évaluation est engagée. Il y a un couplage non déterministe entre structure (outils de mesure de la performance) et AC (processus). La transformation de l’AC entraîne une transformation de la signification du concept de  » performance « , du type de mesure requis et des pratiques de pilotage. La relation entre mesure de performance et AC est étudiée ici dans le cas de la division production d’Electricité de France. La recherche a duré plusieurs années, au cours desquelles deux nouveaux systèmes de gestion furent mis en œuvre simultanément: un système de comptabilité de gestion et un système d’information de gestion intégré (ERP), tous deux appliqués au processus d’achat. Le système de comptabilité de gestion a été conçu par la direction des achats , l’ERP par les directions opérationnelles. Alors que la cohérence entre les deux projets aurait pu être assurée par leur commune subordination à la reconstruction de l’AC (le processus d’achat), leur découplage de fait de l’activité concrète a ouvert la possibilité de dissonances sérieuses entre eux. Les deux nouveaux systèmes ont eu des difficultés à fournir des langages communs, car la dimension de l’AC a été largement ignorée dans leur développement. Lorsque l’AC encourt des transformations radicales, les échanges discursifs directs entre les acteurs au sujet de leur propre AC,  » activité collective sur l’activité collective « , deviennent nécessaires pour assurer un couplage flexible et non déterministe entre AC et nouveaux systèmes de gestion. Cette analyse réflexive et collective du processus par ses acteurs eux-mêmes exige la constitution de  » communautés de processus « , qui peuvent conjointement reconcevoir l’AC et les systèmes de pilotage de la performance. L’article conclut que le système de pilotage de la performance ne peut constituer un langage commun que s’il y a une compréhension claire et partagée de l’AC, de ses transformations et des rôles impartis aux différentes catégories d’acteurs.
LORINO, P. et GEHRKE, I. (2007). Coupling Performance Measurement and Collective Activity: The Semiotic Function of Management Systems. A Case Study. ESSEC Business School.